Beauvais, une ville à reconstruire

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) va marquer les esprits et changer le monde. Comme de nombreuses villes de France, Beauvais est bombardée dès 1940. La ville en ruine, des baraquements fleurissent non seulement pour reloger la population mais aussi accueillir des commerces.

L’habitat est sommaire, une réflexion est à apporter sur le plan architectural et urbanistique. Cette mission est confiée à l’architecte Georges Noël, alors associé à l’architecte Albert Parenty, auteur d’un plan urbanistique d’aménagement, d’embellissement et d’extension pour Beauvais en 1927 mais qui n’avait pas été mis en œuvre en 1927. Suivant ce plan, les villages de Notre-Dame-du-Thil, Marissel, Saint-Just-des-Marais et Voisinlieu sont rattachés à Beauvais le 6 février 1943 et deviennent des quartiers.

Une fois la guerre terminée, la France se dote d’un nouveau Ministère, celui de la Reconstruction et de l’Urbanisme(MRU) avec pour intention de reconstruire un pays meurtri et dévasté. C’est une période d’intense croissance pour la France, appelée les Trente Glorieuses (1945-1975), le niveau de vie s’améliore,
le taux de naissance augmente et le chômage baisse. Pour enrayer le problème d’insalubrité et de manque de logements, l’État facilite la création de grands ensembles à travers diverses lois.

1960 > 1970
La construction du quartier

Pour l’emplacement de cette ZUP, la municipalité s’intéresse à un plateau du Beauvaisis, celui de Marissel. La Ville entreprend l’achat des terrains et des propriétés construites sur le plateau. Habitants et exploitants agricoles sont parfois expropriés. Après étude des différentes propositions de construction, Jean de Mailly, premier prix de Rome, est choisi comme architecte en chef de cette ZUP. Quant aux constructions, elles sont prises en charge par la Société d’Équipement du Département de l’Oise (SEDO).

La première pierre des 82 hectares de la ZUP Argentine est posée le 21 juillet 1964 à 15h sur la route de Saint-Just-en-Chaussée. Pour ce nouveau quartier, Jean de Mailly s’inspire de la Charte d’Athènes et de l’architecte suisse Le Corbusier. L’idée est de créer un environnement propice à l’habitat, au travail, à la circulation et à la culture du corps et de l’esprit.

Jean Cartier et Fernand Watteeuw, amateurs d’archéologie, s’intéressent à la construction de ce nouveau quartier et se rendent régulièrement sur les chantiers. Ils vont entreprendre des fouilles entre 1964 et 1965 et mettent au jour des vestiges gallo-romains. Construite comme une ville dans la ville, la ZUP a pour objectif d’accueillir près de 15 000 habitants. Pour répondre à l’attente d’un tel quartier, des équipements privés et publics sont construits.

Le premier équipement bâti sur la ZUP est la pouponnière en 1965. On la doit aux architectes Jacques Eugène Rischmann et Paul Lelièvre. Celle-ci est destinée à l’accueil des enfants en mauvaise santé, nés prématurés, avec des problèmes cardiaques ou atteints par des maladies. De façon à scolariser les enfants dans de bonnes conditions, le groupe scolaire Jean Moulin est construit en 1966, tout comme le Collège d’Enseignement Général (CEG). En 1969, il prend le nom de Collège Henri Baumont.

L’ancien château d’eau, trop modeste pour desservir la population, est remplacé par un nouveau réservoir d’une hauteur de 66m avec deux cuves de 2 500 m3 et d’une salle à l’étage pour accueillir un restaurant panoramique. Ce projet est pensé par l’architecte Jean de Mailly et l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées André Duminy. Commencés en 1966, les travaux se terminent durant l’année 1967.

En pour faciliter la vie des habitants, deux centres commerciaux sont construits. Celui des Champs Dolent est élaboré tel un forum antique avec ses colonnades. Il est constitué d’une supérette, d’un boucher, d’une charcuterie, d’une boulangerie, d’une poissonnerie, d’un coiffeur, etc. Plus petit, celui du Berry est composé d’un supermarché Nova, d’un bureau de tabac, d’un salon de coiffure et d’une boucherie.

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1970 > 1980
De nouveaux équipements, une vie qui s’installe

Pour l’emplacement de cette ZUP, la municipalité s’intéresse à un plateau du Beauvaisis, celui de Marissel. La Ville entreprend l’achat des terrains et des propriétés construites sur le plateau. Habitants et exploitants agricoles sont parfois expropriés. Après étude des différentes propositions de construction, Jean de Mailly, premier prix de Rome, est choisi comme architecte en chef de cette ZUP. Quant aux constructions, elles sont prises en charge par la Société d’Équipement du Département de l’Oise (SEDO).

La première pierre des 82 hectares de la ZUP Argentine (2) est posée le 21 juillet 1964 à 15h sur la route de Saint-Just-en-Chaussée. Pour ce nouveau quartier, Jean de Mailly s’inspire de la Charte d’Athènes (3) et de l’architecte suisse Le Corbusier. L’idée est de créer un environnement propice à l’habitat, au travail, à la circulation et à la culture du corps et de l’esprit.

Jean Cartier et Fernand Watteeuw, amateurs d’archéologie, s’intéressent à la construction de ce nouveau quartier et se rendent régulièrement sur les chantiers. Ils vont entreprendre des fouilles entre 1964 et 1965 et mettent au jour des vestiges gallo-romains. Construite comme une ville dans la ville, la ZUP a pour objectif d’accueillir près de 15 000 habitants. Pour répondre à l’attente d’un tel quartier, des équipements privés et publics sont construits. Le premier équipement bâti sur la ZUP est la pouponnière en 1965. On la doit aux architectes Jacques Eugène Rischmann et Paul Lelièvre. Celle-ci est destinée à l’accueil des enfants en mauvaise santé, nés prématurés, avec des problèmes cardiaques ou atteints par des maladies. De façon à scolariser les enfants dans de bonnes conditions, le groupe scolaire Jean Moulin est construit en 1966, tout comme le Collège d’Enseignement Général (CEG). En 1969, il prend le nom de Collège Henri Baumont (

L’ancien château d’eau, trop modeste pour desservir la population, est remplacé par un nouveau réservoir d’une hauteur de 66m avec deux cuves de 2 500 m3 et d’une salle à l’étage pour accueillir un restaurant panoramique. Ce projet est pensé par l’architecte Jean de Mailly et l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées André Duminy. Commencés en 1966, les travaux se terminent durant l’année 1967.

Enfin pour faciliter la vie des habitants, deux centres commerciaux sont construits. Celui des Champs Dolent est élaboré tel un forum antique avec ses colonnades. Il est constitué d’une supérette, d’un boucher, d’une charcuterie, d’une boulangerie, d’une poissonnerie, d’un coiffeur, etc. Plus petit, celui du Berry est composé d’un supermarché Nova, d’un bureau de tabac, d’un salon de coiffure et d’une boucherie.

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1980 > 2000
De la ZUP au quartier Argentine

Comme partout en France, les crises pétrolières des années 1970 accentuent gravement les problèmes liés à l’emploi, et plus particulièrement parmi les jeunes des quartiers. En 1980, cela entraîne de profonds bouleversements sociétaux et remet en cause le modèle des grands habitats collectifs qui s’étiole. Afin de favoriser le dialogue au sein des quartiers, la municipalité élabore une concertation citoyenne pour encourager l’expression des habitants et leur participation au devenir de leur propre quartier.

Avec une population de quartier de plus de 10000 habitants répartis dans 4638 logements, la sécurité devient un enjeu majeur. Une des premières réponses apportées est la création d’un commissariat sur le quartier en 1984 (après deux fermetures successives, il arrêtera son activité en 2011). Cette même année, Beauvais, comme d’autres villes françaises, va bénéficier du contrat de Développement Social des Quartiers (DSQ) lancé sous la présidence de François Mitterrand. Ce contrat inaugure le début de la «Politique de la ville. Le contrat de DSQ est signé entre la Ville de Beauvais, la Région, l’État, et les bailleurs sociaux (OPAC de l’Oise, CILOVA, SA HLM de l’Oise) pour la période 1985-1990.

Pour l’élaboration et la réalisation du DSQ présidé par Alain Pastre, celui-ci fait appel à Serge Brunet du groupe TETRA (Techniques, Études, Recherches en Aménagement) pour le poste de chef de projet. Pour l’assister, il est aidé de Roselyne Desgroux, paysagiste de l’atelier Desgroux-Girardin et de l’architecte – urbaniste Bernard Schoeller.

Pour inaugurer ce renouvellement de quartier et lier le centre-ville à la ZUP d’Argentine, deux symboles de la ville sont «mariés» : le 5 octobre 1985, la cathédrale Saint-Pierre épouse le château d’eau du quartier Argentine. Une traîne de près de 3 km est confectionnée pour la cathédrale et une cravate est installée sur le château d’eau. Dans la perspective d’utiliser la salle à l’étage du château d’eau, initialement prévue pour accueillir un restaurant panoramique, le directeur de la société NewBell propose d’ouvrir une boîte de nuit. Celle-ci est inaugurée en 1983 et reste ouverte pendant quelques mois, avant de fermer ses portes par manque de sécurité.

En 1986, la dénomination ZUP laisse place officiellement au nom de « Quartier Argentine ». Les premiers travaux de réhabilitation sont entrepris : isolation phonique dans les appartements,
réfection des façades et des partie communes, ajout de prises électriques ,etc. Les espaces publics bénéficient aussi d’un renouvellement : des chemins piétonniers et des jardins ouvriers sont créés. Le mobilier urbain est repensé : des aires de jeux et des espaces sportifs sont installés comme le mur d’escalade de la Fosse à Baille-Vent (1988), 23 agrès de sport ou le terrain de bi-cross. L’entretien des bâtiments est assuré par Argentine Service Plus, une association mise en œuvre à la fin du DSQ ayant pour but de réaliser les travaux divers avec les habitants(plomberie, menuiserie,etc.).

Acteur majeur du Beauvaisis et du quartier, l’ASCA est au cœur de cette réhabilitation avec la mise en place du bureau DSQ dans ses locaux. Elle s’efforce de donner la parole aux jeunes du quartier Argentine dès le début des années 1980 à travers le journal «Z» . En 1985, le bus itinérant le LASCAR va à la rencontre des jeunes dans le but de décentraliser l’action de l’ASCA, detenir informé des changements du quartier et de dialoguer avec les habitants.
En parallèle, l’antenne locale de France 3 Région Oise est installée sur le quartier. L’ASCA poursuit son évolution avec l’installation du cinéma Agnès Varda, inauguré par la cinéaste le 25 septembre 1987. Le tournage d’une émission TV à l’ASCA le 12 février 1989 retransmise en direct dans près de 500 foyers câblés marque une étape importante dans la vie culturelle du quartier. Cette émission avait été conçue à partir de reportages effectués auprès des habitants autour du développement social du quartier.

Les modifications entreprises dans les années 1980 se poursuivent dans la décennie suivante. Le château d’eau est le premier à en bénéficier avec l’installation d’une œuvre contemporaine de
l’artiste grec Takis, inaugurée le 26 septembre 1992.

Malgré la construction dans les années 1980 de quatre classes supplémentaires et la suppression d’un préfabriqué, le collège reste en sureffectif et d’autres travaux sont nécessaires. Le nouveau collège est construit et inauguré à la rentrée scolaire de 1995. À partir de 1998, l’ancien collège devient «l’espace Argentine» ou espace Morvan, et est dédié aux associations.
Avec ces nouvelles constructions, le quartier continue à s’étendre au détriment des terres agricoles.

En 1997, l’ASCA s’enrichit de nouvelles activités, avec l’installation d’un café musique ainsi que l’arrivée de la bibliothèque, anciennement située à l’espace Lanfranchi. Des médiateurs urbains sont recrutés pour renforcer le lien avec les habitants et permettre le dialogue.

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2000 à nos jours : Argentine, un quartier en mutation.

En 2003, afin de faciliter l’ancrage du quartier dans la ville, une nouvelle politique de développement du quartier est instaurée avec la création de la Zone Franche Urbaine (ZFU). Dès lors, Argentine n’est plus un quartier périphérique et fait partie intégrante de la ville. La première pierre du village d’entreprise est posée en 2005.

En 2009, un Plan d’Action au sein des Quartiers (PAQ) est mis en place par la municipalité afin de favoriser le dialogue entre habitants et élus municipaux autour des différents quartiers de Beauvais. Suite aux concertations citoyennes et aux propositions d’aménagement de proximité, certains espaces sont requalifiés comme l’espace de jeux du secteur Léonidas Gourdain. De nouveaux équipements sont construits comme le city-stade Ali Djenadi.

En février 2014, la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine fixe les objectifs et les moyens du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU). 480 quartiers dont 200 d’intérêt national comme Argentine et Saint-Lucien vont pouvoir en bénéficier. L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) aide financièrement les porteurs de projet, à hauteur d’environ 10 milliards d’euros.

Le 1er juillet 2016, la signature du protocole de préfiguration entre l’ANRU, la Communauté d’Agglomération du Beauvaisis, la Ville de Beauvais, les bailleurs sociaux et les partenaire financiers, officialise le lancement de la rénovation urbaine. Des comités de suivi et de médiation sont mis en place pour faire le point sur l’état d’avancement des projets et le conseil citoyen est constitué le 15 mars 2016 sur volontariat et tirage au sort. Le 4 décembre 2019, une déclaration d’engagement des projets est signée par l’ANRU et l’ensemble des partenaires : cela marque le lancement des travaux. Quatre grands piliers sont au cœur du projet : favoriser l’intégration urbaine au reste de la ville, renforcer le maillage des différents pôles de vie du quartier, améliorer et moderniser le parc de logements et diversifier l’habitat.

Le conseil citoyen est initialement composé de 20 membres dont un collège d’habitants (hommes et femmes à parité), et un collège d’acteurs locaux ou d’associations. Ces conseils citoyens participent à toutes les instances de pilotage du contrat de ville,y compris celles relatives aux projets de renouvellement urbain. Le but est de favoriser l’expression des habitants aux côtés des acteurs institutionnels, de co-construire les contrats de ville et
les projets de renouvellement urbain mais aussi de stimuler et d’appuyer les initiatives citoyennes. Pour faciliter certaines démarches, les conseils citoyens d’Argentine et de Saint-Lucien se sont constitués en association.

Dans le cadre du projet de renouvellement urbain, des ateliers à destination des habitants ont été animés par l’agence Traitclair afin d’échanger sur l’avenir du quartier. Lors de ces ateliers, plusieurs thématiques définies en accord avec les habitants ont été abordées comme «Habitats et logements », «Centralité du quartier et commerces », « Déplacements et stationnements » et « Habitat et pieds d ’immeuble ». La sécurité, thématique transversale, a été questionnée à chaque atelier. Les conclusions des ateliers ont été communiquées aux bureaux d’études en charge du suivi du projet pour examen. La synthèse des ateliers a permis à l’agence Archétude, cabinet d’architecture, de proposer les premiers plans de projet et de donner une vision du
futur quartier, en coconstruction avec les habitants.

Parallèlement au renouvellement urbain, de premiers travaux sont lancés. En septembre 2016, la rénovation des espaces publics du centre commercial des Champs Dolent démarre. En 2018, les espaces publics aux abords du centre commercial du Berry sont requalifiés via la dotation « Politique de la ville ». De nouvelles structures et associations sont apparues sur le quartier proposant de multiples actions à destination de différents publics.

En 2013, afin de coordonner et fédérer ces nombreuses initiatives, la Maison des Associations, de la Jeunesse et des Initiatives (MAJI) est créée et s’installe dans les anciens locaux de Pôle Emploi. Lieu de rencontre, d’échange, de partage et d’animations, la MAJI occupe une place centrale au sein du quartier, elle est désormais agréée centre social du quartier et abrite la maison du projet Argentine. Ce projet Mémoires des quartiers, mémoires partagées retrace une partie de l’histoire du quartier et de Beauvais, et il appartient désormais aux habitants et aux associations de construire son avenir.

Remerciements

Le projet Mémoires des quartiers, mémoires partagées a été réalisé par l’association Archipop en collaboration avec la Communauté d’Agglomération du Beauvaisis et la direction Politique de la Ville et Renouvellement Urbain. Nous tenons ici à remercier les personnes qui ont accepté de nous confier leurs documents et pour certains de livrer devant la caméra quelques souvenirs de présence dans le quartier: Jacques Anselme, Lucette et Claude Aury, Thierry Aury, Serge Barette, Philippe Boile, Blandine Bouré, Jean Cartier, Christianne Couturier, Vincent Croc, Camille Desmé, Francis Dubuc, Ender Ekinci, Jean-Marc Fémolant, Marie-Louise Fernandez, Jacqueline Fontaine, Roger Glodt, Jean Grébouval, Edmonde Helbert, Joachim Klein-Bardagi, Dominique et Jean-Michel Langlet, Etienne Lemaire, Guy Lokhiri, Sylvie Matrat, Francis Meurgey, Max-Jim Plouvier, Jean-Pierre Poher, Tansel Senol, Joachim Wattelin, Hassan Younes.

Nous remercions également les associations, les institutions et les services qui ont partagé leurs documents d’archives ou leur connaissance du quartier, permettant de comprendre mieux certains volets de son histoire : les Archives Départementales des Hauts-de-Seine, les Archives Départementales de l’Oise, les Archives Municipales de Beauvais, l’ASCA, l’Association de défense des locataires, ATD Quart monde, Club féminin Argentine loisirs Marie-Antoinette Leclerc, Collège Henri Baumont, le conseil citoyen, IFEP, Itinér’air, Ludoplanète, MAJI, la Médiathèque Argentine, OPAC de l’Oise, Photo club de Beauvais, ROSALIE, TCAB.

Remerciements particuliers à Adrien, Arthur, Cécile, Claude, Frédéric, Jef, Mellie, Mohamed et Séverine.

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